La signature chimique individuelle chez Mus spicilegus. |
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Qu'est ce que l'éthologie ?
C'est est une discipline fondée par Lorenz, Tinbergen et Von Frish, vers les années 1930. Caractérisée comme une branche de la biologie, Tinbergen (1963) la qualifie d' « étude biologique du comportement ». Cette science se compose de phénomènes observables (comportements, mouvements) étudiés de manière biologique, suivant quatre domaines majeurs : les causes immédiates (mécanismes neuromoteurs, décisionnels, influences du contexte), la fonction (notion de but, de conséquences), l'évolution du comportement et son développement. Un comportement peut être définit comme une réponse motrice ou glandulaire à un stimulus interne ou externe, détectable par un congénère et qui contribue au maintien de l'homéostasie de l'individu qui le réalise.
La communication chez les rongeurs :
Pour la majorité des espèces de rongeurs nocturnes et terricoles, l'odorat est le sens le plus développé parce qu'il est la plus importante source d'informations et qu'il induit les représentations mentales sociales, c'est-à-dire l'identité, le sexe, le statut social (dominant/dominé le cas échéant, ou autre), l'espèce, la population, la situation émotionnelle, la santé et l'âge. Ces signaux chimiques jouent également un rôle dans le choix du partenaire. Il est difficile de comprendre comment les rongeurs perçoivent et analysent les signaux olfactifs, car nous ne privilégions pas ce sens dans nos représentations.
La souris glaneuse Mus spicilegus est une espèce sympatrique de la souris domestique Mus musculus. La particularité de cette espèce est qu'elle est monogame (Patris et Baudoin, 2000, Patris et al., 2002) . Les couples se forment d'avril à septembre et les juvéniles nés en automne se regroupent dans les monticules de terre et de fourrage, qu'ils ont construit, afin de passer l'hiver. Pendant les six mois de la période froide, ces juvéniles développent une familiarité qui les empêche de se reproduire entre-eux. Lors de leur sortie des tumulus, les individus se dispersent pour s'accoupler avec des individus non familiers. Cette monogamie et ce système de vie sont particuliers à cette espèce de souris, ce qui la rend unique et donc intéressante à étudier.
Les rongeurs possèdent plusieurs sources odorantes réparties à la surface de leur corps et toutes ne portent pas les mêmes informations (Johnston et al. 2003) . Néanmoins, ces informations véhiculées par les productions odorantes sont sujettes à des fluctuations puisqu'elles renseignent sur le régime alimentaire, l'état reproducteur, l'âge et l'état de santé de l'individu. Or ces paramètres varient beaucoup avec le temps et l'environnement. Il doit donc exister dans les productions odorantes des informations qui restent constantes dans le temps, sinon la reconnaissance individuelle serait impossible.
Ainsi, soit l'ensemble soit une partie de ces productions odorantes forme un phénotype odorant nommé "signature chimique individuelle", qui caractérise l'individu comme unique au nez de ses congénères et qui joue un rôle dans les interactions sociales de type exclusion territoriale et choix du partenaire. Les productions odorantes individuelles contiennent donc plusieurs informations qui semblent relativement distinctes et indépendantes les unes des autres.
Position de la problématique :
Une étude réalisée par Colombelli-Négrel et al. (2006) a montré, via un paradigme d'habituation-déshabituation, que les souris Mus spicilegus sont capables de suivre l'identité d'un congénère et ce même s'il change de régime alimentaire. Le paradigme d' d'habituation-déshabituation consiste à présenter deux coupelles à la souris, l'une remplie de sciure propre, l'autre de sciure souillée par un mâle. Le temps d'exploration de chaque coupelle est chronométré, sur une période de cinq minutes après le début des investigations. Puis le même paradigme est renouvelé deux fois. La souris testée, reconnaissant l'odeur de l'individu donneur d'odeur, passera de moins en moins de temps à flairer la coupelle souillée. Une diminution du temps d'investigation de la coupelle souillée est donc observée entre le premier et le troisième essai, c'est l'habituation. Au quatrième essai, la coupelle de test contient la litière souillée par le même individu que précédemment, mais ce dernier à subit un changement de régime alimentaire, ce qui induit l'apparition d'une information nouvelle pour l'individu testé. Un rebond d'intérêt est alors observé au quatrième essai, qui se matérialise par une augmentation du temps de flairage : c'est la déshabituation. Le changement de régime alimentaire de cette étude consiste en l'ajout d'Antésite R (additif de l'eau de boisson à base de réglisse, sans apport énergétique, parfumé à l'anis et bien supporté par les souris) à l'eau de boisson des souris mâles donneuses d'odeur.
Mâles et femelles ont été testés dans ce paradigme. Les mâles testés présentent bien le rebond d'intérêt, mais pas les femelles. Un test de discrimination spontanée fut alors réalisé sur les femelles. Ce test consiste à présenter deux coupelles contenant de la sciure souillée par le même individu, l'une avant et l'autre après le changement de régime. Ce test révèle que ces femelles discriminent bien le changement de régime. L'hypothèse tirée de ces résultats fut que les femelles testées semblaient plus intéressées par l'identité du mâle que par son changement de régime alimentaire.
Quelles sont les informations privilégiées, et qu'est-ce qui fait qu'elles sont privilégiées ?
La première hypothèse qui puisse être émise à ce sujet serait que l'information privilégiée est fonction de son importance pour l'individu. Le choix du partenaire étant généralement dévolu à la femelle, on peut supposer qu'elle soit plus apte à discerner les informations internes de l'individu (en particulier état de santé et régime alimentaire), car elles doivent sélectionner le meilleur partenaire afin d'assurer la survie de leur descendance.
Dans le paradigme de Colombelli-Négrel, l'Antésite n'apporte pas de supplément énergétique, on peut alors supposer que le manque d'intérêt des femelles pour ce changement de régime soit dû au fait que la nouvelle information apportée par ce composé ne soit pas jugée pertinente. D'autres études menées sur le régime alimentaire et la signature individuelle soutiennent cette hypothèse : Ferkin et al. (1997), montrent que chez le campagnol Microtus pennsylvanicus , une augmentation de la teneur en protéines du régime alimentaire des mâles augmente l'attractivité des femelles pour leurs marques odorantes.
La première série d'expériences de mon étude vise à vérifier cette hypothèse : j'ai cherché à savoir si un changement de régime alimentaire du mâle producteur d'odeurs par un supplément calorique entraînait un changement de comportement chez les femelles. Le paradigme employé est un test d'habituation/déshabituation et le changement de régime consiste en l'ajout de sucre à 100g/L à l'eau de boisson (groupe S), de sucre et d' Antésite (groupe AS) ou simplement d' Antésite (groupe A). Il est donc attendu que les femelles testées présentent un rebond d'intérêt, lors de la deshabituation, pour les groupes AS et S et une absence de rebond pour le groupe A (ce qui conforterait les résultats de Colombelli-Négrel). Comme prévu, les résultats montrent bien un regain d'intérêt pour les mâles du groupe S et une absence de rebond pour le groupe A. Par contre, une absence de rebond est également constatée pour le groupe AS. Ce résultats inattendu ammène à formuler une seconde hypothèse : Celle-ci est non exclusive de la précédente et consisterait en le fait que l'histoire de l'individu influencerait sa sélection des informations. Ainsi, l'absence de réponse des femelles à la présence d'Antésite, dans la première série d'expériences de Colombelli-Négrel, pourrait être due au fait que ce produit leur soit inconnu puisqu'il n'existe pas dans leur milieu naturel. Elles jugeraient alors cette nouvelle information comme non intéressante puisqu'elle n'a aucune signification pour elles. Une seconde série d'expériences m'a permis de voir si l'exposition préalable des femelles à l'Antésite (avec ou sans l'effet attracteur du supplément calorique), augmente leur intérêt pour les productions odorantes des mâles soumis au changement de régime. Le paradigme employé est toujours un test d'habituation/déshabituation. Les femelles reçoivent donc soit un ajout de sucre à 100g/L et d' Antésite (groupe FAS) soit un ajout d' Antésite seul (groupe FA) soit ne subissent pas de changement de régime (groupe FT). En quatrième essai, ces femelles sont soumises aux productions odorantes de mâles ayant reçu un ajout d' Antésite dans leur eau de boisson. Les résultats montrent une absence de rebond significatif entre les essais 3 et 4, quelque soit le changement de régime subit par les souris. Le facteur de préférence des mâles pour l'anis : IPA = (consommation anis - consommation eau) x 100/consommation eau, rend compte de la réaction des mâles au changement de régime alimentaire. Une analyse de ce facteur dans le groupe FAS montre que seules les femelles ayant reçu du sucre avec l'Antésite ont perçu le changement de régime et qu'elles ont même été capable de percevoir si ce nouveau produit a été apprécié par les mâles. L'analyse de corrélation entre l'indice de déshabituation (ID) des femelles du groupe FAS (entre les essais 3 et 4) et l'IPA montre que l'ID des femelles devient positif (il y a discrimination) alors que l'IPA des mâles est encore négatif. Ceci suggère que ce serait plutôt le rejet relatif des mâles à l'anis qui déclencherait la non réponse des femelles.à Ces travaux devraient mener à la publication d'un article au cours de l'année prochaine.
Validation du modèle lapin sur les conséquences d'une alimentation hypercalorique et de l'état adolescent de la mère sur le développement périnatal de la descendance. |
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Le stage effectué actuellement porte sur la validation du modèle lapin en tant que modèle des pathologies dues à l'obésité qui sont observées chez l'humain. Plus précisément, ce stage aborde le côté développemental de la pathologie avec pour but d'observer les conséquences d'une mère obèse sur le développement embryonnaire et post-embryonnaire de sa portée.
Pour cela, un nombre égal de lapines témoin et obèses seront respectivement nourries avec des granulés d'alimentation cunicole classique et avec des granulés enrichis en lipides et en cholestérol . Un suivit échographique sera réalisé à différents stades de la gestation (9, 14, 21 et 28 jours), puis des adoptions croisées seront réalisées entre des lapines témoin et des lapines obèses, afin d'observer les conséquences post-embryonnaires (allaitement) sur la croissance des lapereaux.
D'un point de vue physiologique, une partie des lapines sera abattue juste avant la saillie, afin de contrôler le niveau d'adiposité (prélèvement et pesée des tissus gras) et de dépôt des plaques d'athérosclérose sur l'aorte. Une seconde partie des lapines sera abattue juste après la mise bas. Les mêmes observations seront alors réalisées sur la mère et les petits. Le reste des lapines servira à l'étude des adoptions croisées.
Au niveau des contrôles, chaque lapine est pesée en début de semaine et le poids d'ingestion alimentaire hebdomadaire est également mesuré. Une prise de sang (pour mesurer le taux sanguin de glycémie et de triglycérides) et de tension artérielle sont réalisées sur chaque lapine à jeun toutes les trois semaines.